Chansons d'amour du XVe siècle : paroles

 
               
               
               
               
               
               
Chansons d'amour du XVe siècle
2009
Paroles Musiciens Photos/vid. Interview Réactions Ecoute
Comptines meuh meuh
2008
Paroles Musiciens Photos/vid. Interview Réactions Ecoute
Pom-pom Girl
2006
Paroles Musiciens Photos/vid. Interview Réactions Ecoute
Agnès & moi
2005
Paroles Musiciens Photos/vid. Interview Réactions Ecoute

Elégie

2002

Paroles Musiciens Photos/vid. Interview Réactions Ecoute
Les Suédoises
2001
Paroles Musiciens Photos/vid. Interview Réactions Ecoute
Châteaux de sable
2000
Paroles Musiciens Photos/vid. Interview Réactions Ecoute
Vive le troisième millénaire
1999
Paroles Musiciens Photos/vid. Interview Réactions Ecoute
Voisines et dépendances
1998
Paroles
Musiciens Photos/vid. Interview Réactions Ecoute
               

paroles

 

 

1. Je préfère souvent

Je préfère souvent
Penser et me  taire
Sans montrer vraiment
Dans quel ennui j’erre

Et je fais semblant
Je me donne un air
Je préfère souvent
Penser et me  taire

Je feins d’être content
Quand je désespère
Je préfère souvent
Penser et me  taire

Si j’ai l’air absent
C’est que je me perds
Dans les sentiments
De mon coeur amer

Rondel

Plus penser que dire,
Me convient souvent,
Sans monstrer comment,
N'a quoy, mon cueur tire;
Faignant de soubzrire,
Quant suis tres dolent.
Plus penser, etc.
Me convient, etc.
En toussant, souspire
Pour secretement
Musser mon tourment,
C'est privé martire.
Plus penser, etc.

Charles d'Orléans

2. Que les amoureux ont du mal

Que les amoureux ont du mal
Si vous saviez comme c’est cruel
Mon cœur crie comme un animal
Pour l’amour des yeux d’une belle

Ce midi même j’allais la voir
Chérie j’lui dis comment ça va
Elle me répond Bien mieux sans toi
Pour parler bref je ne t’aime pas

Les péniches qui vont sur la scène
Voguent par un chemin tracé
Mais une femme a sa liberté
Elle va là où son cœur l’entraîne

Les papillons dans la prairie
Vont librement de fleur en fleur
Je suis une femme d’ajourd’hui
Je vais où m’incline mon cœur

Adieu le bouquet de myosotis
Adieu la fleur de romarin
Que j’avais acheté ce matin
Exprès pour elle chez la fleuriste

Vray Dieu ! qu’amoureux ont de peine
Je sçay bien a quoy m’en tenir :
Au cueur me vient ung souvenir
De la belle que mon cueur ayme

Je la fuz veoir l’aultre sepmaine
« Belle, comment vous portez vous ?
- Je me porte tresbien sans vous :
A bref parler point ne vous ayme »

Tous les basteaux qui sont sur Seine
Ne sont pas tous a ung seignour ;
Aussy ne suis je pas a vous
Qui bien vous ayme y perd sa peine. »

Adieu la blanche marjolaine,
Aussy la flour de romarin
Que j’ay cuilly soir et matin
En attendant celle que j’ayme.

Chanson anonyme

3. Si vous connaissiez ma douleur

Si vous connaissiez ma douleur
Vous qui pouvez la consoler
Je crois que vous auriez à cœur
De m’aimer et de m’embrasser

Vous diriez oui avec bonheur
Quoi que je puisse demander
Je crois que vous auriez à cœur
De m’aimer et de m’embrasser

Et vous me donneriez sur l’heure
Ce que je veux de vous gagner
Je crois que vous auriez à cœur
De m’aimer et de m’embrasser

Vos caresses et vos douceurs
Peuvent elles seules me sauver
Je crois que vous aurez à cœur
De m’aimer et de m’embrasser

Chancon

Se ma doleur vous savies,
Mon seul joyeux pensement,
Je scay bien certainement
Que mercy de moy auries.

Du tout refus banniries,
Qui me tient en ce tourment.
Se ma, etc.
Mon seul, etc.

Et le don me donneries,
Que vous ay requis souvent,
Pour avoir allegement;
Ja ne m'en escondiries,
Se ma, etc.

Charles d'Orléans

4. La première fois

La première fois ma princesse
Qu’enfin je vous rencontrerai
Je serai tellement en liesse
Que je ne pourrai vous parlerJe perdrai toute contenance
Car quand votre beauté brillera
Je crois qu’elle m’éblouira
Si fort que je n’y verrai goutte
Et mon cœur s’évanouira
C’est là chose que je redoute

C’est pourquoi sublime princesse
Lorsque devant vous je serai
Veuillez par votre gentillesse
Me pardonner si je ne sais
Vous parler comme je devrais
Bientôt mon cœur se reprendra
Et  calmement vous parlera
Si du moins nul autre n’écoute
Nos secrets ne trahissez pas
C’est là chose que je redoute

Balade

La premiere foiz, ma Maistresse,
Qu'en vostre presence vendray,
Si ravi seray de liesse,
Qu'à vous parler je ne pourray;
Toute contenance perdray,
Car, quant vostre beaulté luira
Sur moy, si fort esbloira
Mes yeulx que je ne verray goute;
Mon cueur aussi se pasmera,
C'est une chose que fort doubte.

Pour ce, nompareille Princesse,
Quant ainsi devant vous seray,
Vueilliez, par vostre grant humblesse,
Me pardonner, se je ne scay
Parler à vous, comme devray;
Mais tost apres, s'asseurera
Mon cueur, et puis vous contera
Son fait, mais que nul ne l'escoute;
Dangier grant guet sur lui fera,
C'est une chose que fort doubte.

Et se mectra souvent en presse
D'ouir tout ce que je diray;
Mais je pense que par sagesse
Si tres bien me gouverneray,
Et telle maniere tendray,
Que faulx Dangier trompé sera,
Ne nulle riens n'appercevra;
Si mectra il sa paine toute
D'espier tout ce qu'il pourra;
C'est une chose que fort doubte.

5. Le jour de la Saint Valentin

Le jour de la Saint Valentin
Où chacun cherche l’âme sœur
Je veux connaître le bonheur
Mais où trouverai-je quelqu’un

Depuis mon réveil ce matin
Je n’ai pas cessé d’y penser
Le jour de la Saint Valentin
Chacun voudrait bien être aimé

Mais l’apathie mon médecin
S’est déplacé à mon chevet
M’a prescrit de me reposer
Et de dormir sur mes coussins
Le jour de la Saint Valentin
Où chacun voudrait  être aimé

Rondel

A ce jour de saint Valentin,
Que chascun doit choisir son per,
Amours, demourray je non per?
Sans partir à vostre butin.

A mon resveillier au matin,
Je n'y ai cessé de penser,
A ce jour, etc.
Que chascun, etc.

Mais Nonchaloir, mon medicin,
M'est venu le pousse taster,
Qui ma conseillié reposer,
Et rendormir sur mon coussin.
A ce jour, etc.

6.Trop tard pour moi

En amour j’ai goûté à tout
Ma chère et tendre Priscillia
Mais je suis né trop tard pour vous
Vous êtes née trop tôt pour moi

Oui  je suis né trop tard pour vous
Vous êtes née trop tôt pour moi
Pendant un an on fit les fous
On n’y pensa pas on s’aima

Mais je suis né trop tard pour vous
Vous êtes née trop tôt pour moi
On a eu beau dire on s’en fout
Un jour on ne s’en foutit pas

Car  je suis né trop tard pour vous
Vous êtes née trop tôt pour moi

Rondel

Je suis desja d'amour tanné,
Ma tres doulce Valentinée,
Car pour moi fustes trop tart née,
Et moy pour vous fus trop tost né.

Dieu lui pardoint qui estrené
M'a de vous, pour toute l'année.
Je suis desja, etc.
Ma tres doulce, etc.

Bien m'estoye suspeconné,
Qu'auroye telle destinée,
Ains que passast ceste journée,
Combien qu'Amours l'eust ordonné.
Je suis desja, etc.

7. La femme qui est sans amant

La femme qui
Est sans amant
Vit tristement
Elle tourne en rond
Dans ses draps blancs
Nuits d’insomnie
Elle a une puce dans l’oreille
Qui l’empêche de dormir

Chantons
Le désenchantement
De la femme qui est sans amant

Il y en a
Qui en ont deux
Deux trois ou quatre
Elle n’en a
Même pas un seul
Pour qu’elle s’éclate
Hélas son corps se flétrit
Ses seins commencent à mollir

Chantons
Le désenchantement
De la femme qui est sans amant

Le cœur rongé
D’un désir noir
Elle est à bout
Une beauté
Dans le miroir
Lui dit debout
Il vaut mieux mourir de rage
Que de vivre seule à ton âge

Chantons
Le désenchantement
De la femme qui est sans amant

A qui direlle sa pencée
La fille qui n’a point d’amy ?

La fille qui n’a point d’amy 
Vit en tristesse
Elle ne dort jour ne demy
Mais toujours veille
Elle a la puce en l’oreille
Qui la garde de dormir

« il en y a bien qui en ont deux
deux troys ou quatre
mais je n’en ay pas ung tout seul
pour moy esbatre ;
helas mon joly temps se passe,
mon tetin commence a mollir. »

A qui direlle sa pencée
La fille qui n’a point d’amy ?

« J’ay le vouloir sy tres humain
et tel courage
qye plus tost annuyt que demain
en mon jeune aage,
j’aymeroys myeulx mourir de rage
que de vivre en tel ennuy. »

A qui direlle sa pencée
La fille qui n’a point d’amy 

Anonyme

8. On croira que je joue la star

On croira que je joue la star
Surtout la nuit dans les cafés
Je mettrai des lunettes noires
Pour qu’on ne me voie pas pleurer

Tu m’avais dit Je serai fidèle
Je t’aime pour l’éternité
Une lueur dans tes prunelles
Tu n’as pas tardé à me tromper

On croira que je joue la star
Surtout la nuit dans les cafés
Je mettrai des lunettes noires
Pour qu’on ne me voie pas pleurer

Et tu as trahi tes promesses
Le désespoir d’amour me ronge
C’est un autre qui a tes caresses
C’est un autre qui a tes mensonges

On croira que je joue la star
Surtout la nuit dans les cafés
Je mettrai des lunettes noires
Pour qu’on ne me voie pas pleurer

Chapeau de saule vieul porter
Ce moys de may par desconfort
Puisque la belle m’a fait tort
Qui m’a changé pour aultre amer
Elle m’avoit promys sa foy
Que toujours elle m’aymeroit
Et jamès ne me changeroit
Ne aymeroit aultre que moy
Mais elle a bien faulcé sa foy
Ung aultre amé bien le sçay
Dont j’ay eu du dueil si très fort
Que j’aye esté presqu’à la mort

Anonyme

 

9. Baisez moy

Baisez moy
Baisez moy
Baisez moy ma doulce amye
Par amour je vous en prie

- Non feray
- Et pourquoy
- Se je faisois la follie
Ma mère en serait marrie
Vella de quoy
Vella de quoy

Anonyme

10. Le temps a laissé son manteau

Le temps a laissé son manteau
De vent de froidure et de pluie
Il s’est vêtu d’un bel habit
Brodé d’soleil et de joyaux

Il n’y a ni bête ni oiseau
Qui  ne chante ou ne psalmodie
Le temps a laissé son manteau
De vent de froidure et de pluie

Rivières fontaines et ruisseaux
Scintillent de mille pierreries
Le temps a jeté son paletot
De vent de froidure et de pluie

Gouttes d’argent orfèvrerie
Chacun s’habille de nouveau
Le temps a laissé son manteau
De vent de froidure et de pluie

Rondel

Le temps a laissié son manteau
De vent, de froidure et de pluye,
Et s'est vestu de brouderie
De souleil luisant, cler et beau.

Il n'y a beste, ne oyseau,
Qu'en son jargon ne chante, ou crie:
Le temps, etc.
De vent, etc.

Riviere, fontaine et ruisseau,
Portent, en livrée jolie,
Goutes d'argent d'orfaverie,
Chascun s'abille de nouveau.

Le temps, etc.

Charles d'Orléans

11. La fenêtre de mes yeux

S’il plait à Dieu le ciel brumeux
De ma tristesse passera
Ma beauté ma destinée
Et le beau temps se montrera
Mais dites-moi quand ce sera
Quand le soleil tendre et aimable
De votre beauté entrera
Par la fenêtre de mes yeux

La chambre close de ma pensée
Resplendira de plaisir
Et sera parée de joie
Alors mon cœur s’éveillera
Mon cœur qui s’était endormi
Si Dieu veut il s’éveillera
Quand votre beauté entrera
Par la fenêtre de mes yeux

Hélas quand viendra la journée
De ce tendre moment-là
Ma beauté ma désirée
Pensez-vous que bientôt ce soit
Car mon cœur toujours languira
Il sera vide et malheureux
Tant que je ne vous verrai pas
Par la fenêtre de mes yeux

Envoi

Mon cœur aura du réconfort
Autant que nul dessous les cieux
Belle quand il vous regardera
Par la fenêtre de mes yeux

Balade

Se Dieu plaist, briefment la nuée
De ma tristesse passera,
Belle tres loyaument amée,
Et le beau temps se monstrera:
Mais savez vous quant ce sera?
Quant le doulx souleil gracieux
De vostre beaulté entrera
Par les fenestres de mes yeulx.

Lors la chambre de ma pensée
De grant plaisance reluira,
Et sera de joye parée,
Adonc mon coeur s'esveillera
Qui en dueil dormy longtemps a,
Plus ne dormira, se m'aid Dieux,
Quant ceste clarté le ferra
Par les fenestres de mes yeulx.

Helas! quant vendra la journée,
Qu'ainsi avenir me pourra
Ma maistresse tres desirée,
Pensez vous que brief avendra;
Car mon cueur tousjours languira
En ennuy sans point avoir mieulx,
Jusqu'à tant que ce cy verra
Par les fenestres de mes yeulx.

L'envoy
De Reconfort mon cueur aura
Autant que nul dessoubz les cieulx,
Belle, quant vous regardera,
Par les fenestres de mes yeulx.

Charles d'Orléans

11. Hélas hélas

Hélas hélas qui a laissé entrer
dans mon cœur la terrible nouvelle
On lui a dit la triste vérité
Que que son amour sa chérie toute belle
Qu’il a longtemps loyalement servie
a maintenant une grave maladie
Il est tombé en désespoir si fort
Qu’il souhaite cruellement la mort
Il dit qu’il est fatigué de la vie

Je suis allé pour le réconforter
En le priant de ne s’inquiéter d’elle
Car si dieu veut bientôt on lui dira
Que ce n’est pas une maladie mortelle
Et qu’elle sera prochainement guérie
Mais il est sourd à tout ce qu’on lui dit
C’est en pleurant qu’il trouve réconfort
La tristesse fort âprement le mord
Il dit qu’il est fatigué de la vie

Quand je lui dis de ne pas se troubler
Car le destin n’aura pas la rudesse
De décréter qu’on ôte de ce monde
Celle qui est l’étoile des princesses
Elle qui luit de mille qualités
Il me répond qu’on ne doit pas se fier
Au destin car le destin est retors
Il a perdu tout espoir tout ressort
Et dit qu’il est fatigué de la vie

Envoi

Dieu tout-puissant par tout ce qui nous lie
Guérissez-la ou mon cœur vous supplie
Qu’il soit aussi effacé par la mort
Qu’il meurt avec elle il en est d’accord

Balade

Helas! helas! qui a laissié entrer
Devers mon cueur doloreuse nouvelle?
Conté lui a plainement, sans celer,
Que sa Dame, la tres plaisant et belle,
Qu'il a longtemps tres loyaument servie,
Est à present en griefve maladie;
Dont il est cheu en desespoir si fort,
Qu'il souhaide piteusement la mort,
Et dit qu'il est ennuyé de sa vie.

Je suis alé pour le reconforter,
En lui priant qu'il n'ait nul soussy d'elle,
Car, se Dieu plaist, il orra brief conter
Que ce n'est pas maladie mortelle,
Et que sera prochainement guerrie;
Mais ne lui chault de chose que lui die;
Aincois en pleurs, a tousjours son ressort
Par Tristesse qui asprement le mort,
Et dit qu'il est ennuyé de sa vie.

Quant je lui dy qu'il ne se doit doubter,
Car Fortune n'est pas si tres cruelle,
Qu'elle voulsist hors de ce monde oster
Celle qui est des princesses l'estoille,
Qui partout luist des biens dont est garnie;
Il me respond; qu'il est fol qui se fie
En Fortune qui a fait à maint tort.
Ainsi ne voult recevoir reconfort,
Et dit qu'il est ennuyé de sa vie.

L'envoy

Dieu tout puissant, par vostre courtoisie
Guerissez la, ou mon cueur vous supplie
Que vous souffrez que la mort son effort
Face sur lui, car il en est d'accort,
Et dit qu'il est ennuyé de sa vie.

Charles d'Orléans

13. Quand le souvenir me rappelle

Quand le souvenir me rappelle
La beauté dont était emplie
Celle que mon cœur encore appelle
Son seul amour sa seule amie
De tout bonheur la vraie fontaine
Qui est morte tout récemment
Je dis en pleurant tendrement
Ce monde n’est que chose vaine

Autrefois on faisait grand bruit
De Greta Garbo de Marlène
Et maintes autres aussi jolies
Beautés d’albâtre et teints d’ébène
Mais seule maîtresse souveraine
La mort les prit piteusement
Je dis en pleurant tendrement
Ce monde n’est que chose vaine

On le sait bien la mort voudrait
Remplacer la joie par la peine
Elle détruirait si elle pouvait
Le plaisir de vivre lui-même
Quand elle emporte tant de reines
Dans ses ténèbres et ses tourments
Je dis en pleurant tendrement
Ce monde n’est que chose vaine

Envoi
C’est une vérité éternelle
L’amour lutte contre la mort
Mais si l’amour n’est pas plus fort
Ce monde n’est que chose vaine

Balade

Quant Souvenir me ramentoit
La grant beaulté dont estoit plaine,
Celle que mon cueur appeloit
Sa seule Dame souveraine,
De tous biens la vraye fontaine,
Qui est morte nouvellement,
Je dy, en pleurant tendrement,
Ce monde n'est que chose vaine.

Ou vieil temps grant renom couroit
De Creseide, Yseud, Elaine
Et mainte autres, qu'on nommoit
Parfaictes en beaulté haultaine.
Mais, au derrain, en son demaine
La Mort les prist piteusement;
Parquoy puis veoir clerement,
Ce monde n'est que chose vaine.

La Mort a voulu et vouldroit,
Bien le cognois, mectre sa paine
De destruire, s'elle povait,
Liesse et Plaisance mondaine,
Quant tant de belles dames maine
Hors du monde; car vrayement
Sans elles, à mon jugement,
Ce monde n'est que chose vaine.

L'envoy
Amours, pour verité certaine,
Mort vous guerrie fellement;
Se n'y trouvez amendement,
Ce monde n'est que chose vaine.

Charles d'Orléans

14. Je suis seul

Je suis seul et je veux rester seul
Je suis seul ma petite amie m’a largué
Je suis seul sans amour sans beauté
Je suis seul et je pleure j’ai perdu mon amour

Je suis seul abattu et languide
Je suis seul égaré dans la douleur
Je suis seul je me retrouve tout seul
Je suis seul et je souffre et je suis
Seul

Je suis seul à ma porte à ma fenêtre
Je suis seul sur un coin de la banquette
Je suis seul et j’avale mes larmes
Je suis seul et je pleure et je suis apaisé

Je suis seul il n’y a rien de mieux
Je suis seul chassé de mes rêves bleus
Je suis seul j’ai perdu mon amour
Je suis seul et je cours et je suis
Seul

Je suis seul en tout lieu de ce monde
Je suis seul  où que j’aille où que je reste
Je suis seul sans aucun lien terrestre
Je suis seul durement humilié

Je suis seul souvent dans les sanglots lourds
Je suis seul j’ai perdu mon amour
Je suis seul et je pleure et je suis
Seul

Ma princesse la douleur est trop forte
Je suis seul et mon âme est presque morte
Je suis seul plus noir qu’au fond d’un four
Je suis seul et je crie j’ai perdu ton amour

Balade: Seulette suis

Seulette suis et seulette veux être,
Seulette m'a mon doux ami laissée,
Seulettette suis en langueur mésaisée,
Seulette suis plus que nulle égarée,
Seulette suis sans ami demeurée.

Seulette suis à huis ou à fenêtre,
Seulette suis en un anglet muchée,
Seulette suis pour moi de pleurs repaître,
Seulette suis, dolente ou apaisée,
Seulette suis, rien n'est qui tant me siée,
Seulette suis en ma chambre enserrée,
Seulette suis sans ami demeurée.

Seulette suis partout et en tout être,
Seulette suis, où je vais où je siée,
Seulette suis plus qu'autre rien terrestre,
Seulette suis, de chacun délaissée,
Seulette suis, durement abaissée,
Seulette suis souvent toute épleurée,
Seulette suis sans ami demeurée.

Princes, or est ma douleur commencée:
Seulette suis de tout deuil menacée,
Seulette suis plus tainte que morée,
Seulette suis sans ami demeurée.

Christine de Pizan