Chansons d’amour
du quinzième  siècle

CD 14 titres
réf.: MILA2009
durée totale : 39:56


Paroles des chansons (originaux et adaptations)
Musiciens, techniciens et graphistes
Interview
Photos et vidéos
Ecoute
Réactions

« Chansons d’amour du Quinzième siècle » ?

Il s'agit d'un choix de poèmes ou de chansons du quinzième siècle, principalement de Charles d'Orléans, mais aussi de Christine de Pizan et d'anonymes. Le plus souvent j'en ai composé la musique, et les textes sont adaptés dans un français contemporain. Dans quelques cas, j’ai gardé la langue du quinzième et légèrement arrangé la musique. 

Précisément, les adaptations des textes sont parfois très libres...

J'ai gardé la métrique et l'esprit de ces textes. Après j'ai laissé mon imagination agir. Je voulais éviter l'archaïsme, car je souhaitais conserver ce qui me semble un caractère de style essentiel de ces poèmes : leur limpidité. J'ai donc privilégié la clarté à la fidélité, quitte parfois à m'éloigner du texte original (voir la comparaison des textes et de leur translation). A tel point que, pour la chanson "On croira que je joue la star", la Sacem m'a envoyé une lettre pour que je leur explique quelle était ma part d'emprunt et la part d'apport créatif : je me suis aperçu que mon texte n'avait plus aucun rapport avec le poème initial.

D’où vient cette drôle d’idée ?

C’est vrai, c’est surprenant, on n’entend plus guère de chanteurs qui reprennent de vieux textes, comme le faisait Ferré avec Verlaine et Baudelaire par exemple. Depuis six ans, j’ai pris du plaisir à travailler sur des paroles d’auteurs : Bertold Brecht, Agnès Desarthe, Marie Nimier, Serge Valletti, Hervé Federspiel, Brigitte Buc. Une petite centaine de chansons sont nées de ces fréquentations, ainsi que deux spectacles et trois albums, plus d’autres choses qui ne sont pas encore sorties. Pour cet album-là, je me suis plongé dans la poésie française. À partir de fin 2006, j’ai cherché des écritures « nouvelles », écumé les petits rayons poésie de ma librairie et de ma bibliothèque. Je suis tombé sur les ballades et les chansons de Charles d’Orléans, ça m’a parlé directement. C’est une langue simple qui exprime le cœur sans fioritures. Après, j’ai découvert  d’autres balades de ce siècle.

L’univers est mélancolique et romantique…

Oui, les textes explorent des situations sentimentales : solitude, désir, anticipation de la rencontre, amour entre âges éloignés, rupture, trahison, maladie et mort de l’aimée. Parfois aussi, ils célèbrent la venue du printemps ou la Saint Valentin. Tout est lié à la problématique de la femme sublime dont l’amour seul peut sauver le poète. 

Précisément, ce moment semble ne jamais arriver...

Oui. Ce que Charles d'Orléans a apporté à la poésie courtoise, c'est une esthétique de la mélancolie, de la déception, de l'impossibilité. On y trouve une description très fine de la tristesse particulière de celle et ceux qui épuisent leur énergie dans la poursuite ou le regret de l'amour. Un peu comme la pensée juive qui nous dit qu'un être non marié est considéré comme mort, on assiste à une forme d'agonie sentimentale.

Ce n’est pas trop suranné ?

Au contraire. Il me semble que l’écriture  de ce quinzième siècle est très contemporaine :  concise, directe, intelligente, sensible. Bien sûr, dans une modernité  cynique, l’expression  des sentiments est difficile à faire passer. Je ne suis pas sûr d’y être toujours parvenu. Mais il fallait essayer, faire entendre cette pureté mélancolique. Sans m’y connaître vraiment, il me semble que le quinzième siècle occupe une place particulière dans l’écriture poétique, entre la « naïveté » et l’obscurité du Moyen Age et le côté alambiqué, savant et sur-écrit du seizième. 

À l’arrivée, c’est quand même un monde étrange…

Oui, à mi-chemin du quinzième  siècle et d’aujourd’hui.  Un monde avec des princesses lointaines, des hommes dévorés de solitude, avec des guitares électriques et des saxophones. Il y a une étrangeté, mais pas du tout inquiétante : une étrangeté amoureuse. Pour Charles d’Orléans, la lumière et le salut viennent de la femme. C’est un défi. Aujourd’hui, dans un monde très matérialiste, où le bonheur se mesure à la surface sociale, médiatique et sexuelle de l'individu, ça n’a guère de sens. C'est donc une manière de résistance de la pensée.

Tu n’as pas choisi d’instruments d’époque…

Non, ce n’est pas un projet historique ni musicologique. Néanmoins, les instruments acoustiques, la présence des cordes, à la justesse fragile, et des vents donnent un aspect artisanal, sinon ancien, aux morceaux. Quelque chose de naturel qui semble enregistré dans une province utopique, perdue  quelque part entre le quinzième et notre temps. Presque tout est capté avec les moyens du bord, dans un artisanat et une forme d'amateurisme, dans le meilleur sens du terme. L'ingénieur du son qui a finalisé le projet comparait le CD, en termes de place dans le paysage sonore, à ces captations faites par les ethnomusicologues auprès de populations reculées dans les villages d'Afrique ou d'Australie. J'ai pris ça pour un compliment.

Quelle est l’économie d’un tel projet ?

C’est une autoproduction individuelle qui a peu de chance de toucher un large public.  Du coup, tout le monde a apporté la contribution de ses talents, par amitié et par intérêt pour le projet. Il reste les coûts d’impression, de pressage, de promotion. À l’arrivée, c’est une démarche qui risque d’être légèrement déficitaire du point de vue économique, mais heureuse, je l’espère, en termes de démarche artistique et de relations humaines.

accueil bio photos agenda clips textes histoires journal art bazar médias liens BD MP3 contact