LA TORTUEOu Le syndrome d’AlgerLivret et musique de Michel Lascault (Divertissement musical pour deux chanteurs, une chanteuse et un piano) |
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Personnages L’Architecte Acte PremierUne armoire. L’architecte descend à travers la salle en bavardant avec Madame Lucienne. Elle porte un bâtonnet d’encens et une marmite, et lui une guirlande. Derrière, les suit le violoncelliste discrètement. L’architecte retourne précipitamment sur ses pas, l’air préoccupé. Madame Lucienne. « J’arrive, j’arrive ! » ça me rend folle. Il a oublié quelque chose dans le bateau. Dans le bateau ! Sur le bateau. Qu’est-ce qu’on a à faire de ce bateau, je vous le demande. Toujours ces mondanités où l’on s’emmerde et pour rien : petits fours et queues de cerises. Et puis un bateau, parlons-en, de bateau. Un cargo, une espèce de veau marin. Et le ragoût de veau qui refroidit. Il est mort, ce ragoût de veau. (Elle dresse l’oreille.) Un veau qui ne vogue pas, un veau immobile, qui flotte comme un porc dans le port d’Alger. (Elle prend le téléphone.) Allô ? Non, personne. Pourtant j’aurais juré que j’ai entendu un bruit, un bruit sourd, un bruit profond. Et ça vibre. (Elle tape du pied.) Et, en bas, vous pourriez pas arrêter ? « J’ai oublié quelque chose dans le bateau… » « - Quelque chose, quoi ? » je lui demande. Il me répond : « Quoi ? » Je précise : « T’as oublié quoi ? – Mes lunettes, mes lunettes… » Il n’a pas vu qu’il ne voyait pas… Ses lunettes… Et cette manie de les poser n’importe où, dans le bateau… Un jour il va les perdre, ses lunettes, et on aura l’air de quoi ? Non, mais c’est quoi, cette journée ? Mauvais signe. D’abord le cargo, un bateau de veaux, et maintenant les lunettes. Là c’est tout à fait… (Elle dresse l’oreille.) Là ! Encore ! ça vibre ! C’est le sol. (Elle se met par terre.) Oui, c’est le sol, c’est le sol qui vibre. On sent. (Elle tape.) Non, mais c’est pas fini, en bas, vous n’avez pas fini ce ramdam ? C’est idiot, il n’y a personne en dessous, c’est la cave, ça doit venir de dehors. Dieu sait ce qu’ils font dehors, ceux-là. Eh, arrêtez ! Vous m’entendez, arrêtez ! Ils ne m’entendent pas. Et même s’ils m’entendaient, qu’est-ce que ça changerait ? Ils s’en foutent, de nous. C’est foutu maintenant. (Elle s’assoit par terre.) Ah, respiration, lotus… Voyage… Respirer. Détente. Les muscles des paupières. Des joues. Le menton. L’air. La lumière intérieure. Voyage. Respirer calmement. Air de la relaxation (aria)Expirer bien à fond AhTous les muscles se relâchent Un veau… Un veau marin… Je me détends, je cherche la lumière, et je vois s’approcher un veau marin… Ah ! (Découvrant le violoncelliste.) Et qu’est-ce que vous faites là, vous ? Non, non, restez, ce n’est pas grave, mais vous m’avez fait peur… On n’est plus chez soi. Mais non, restez, qu’est-ce que ça peut me faire ? Vous croyez que j’ai des secrets ? Des petites choses sales à cacher ? Des choses très très sales… (Il grommelle.) Mais non, vous ne me gênez surtout pas, installez-vous chez les gens, comme ça. L’intimité ? Non, ça vous intéresse ? L’intimité ? Vous voulez soulever le voile ? Je n’ai pas à me plaindre, vous êtes mignon. Laissez-moi vous caresser, là… tout doux… C’est l’amour qui vous a fait faire cette folie ? Le désir ? La bête ? Tu veux entrer dans mon intimité, c’est ça ? Touche-moi avec ton archet… Oh oui, c’est doux… Fais-moi vibrer, fais-moi chanter, fais-moi tout ce que vous faites à ton instrument ! (Il la prend comme un violoncelle et joue sur son corps.) La vocalise de la femme violoncelle (trio)Madame Lucienne. Ah ah oh ah Le violoncelliste. Je vous aime L’architecte. J’ai rencontré l’adjoint Madame Lucienne. Laissez-moi Le violoncelliste. Où aller Madame Lucienne. Laissez-moi L’architecte. Je suis heureux, ma femme, je suis un homme heureux. Ah, Lucienne, mon amie, ma chère amie, c’est extravagant ! Si vous saviez ce qui m’arrive, comme c’est extravagant ! une chose ex-tra-va-gante ! Madame Lucienne. Je vois que vous avez retrouvé vos lunettes. Et votre enthousiasme délirant. L’architecte. Oh ça, je n’ai pas l’impression que ce soit très gentil : je ne suis pas hystérique, je suis un homme fou de joie ! Figurez-vous qu’en allant vers le port, je tombe sur… devinez… Jean de la Castelbajoue ! Mais oui, Jean, Jean, avec qui j’étais à l’école à la Chaux-de-Fonds… Vous voyez ? Bon, c’est lui qui m’aborde, moi j’étais comme une taupe dans un champ de mines, on s’embrasse, on s’étreint, et la question fatale qui tombe, comme un couperet, comme la lame de la guillotine : Et qu’est-ce tu fais maintenant, mon vieux ? – Qu’est-ce que je fais, mon cher Jean ? Mais, devine, je fais de l’architecture. – Comme c’est drôle. J’aurais pensé que tu faisais de la peinture. – Ah non, avant je faisais de la peinture. Mais maintenant je fais de l’architecture ! Je fais de l’architecture (duo) L’architecte. Je fais de l’architecture. Madame Lucienne. Avant vous faisiez de la peinture. L’architecte. De l’archi achi archi archi architectureMadame Lucienne. Qu’est-ce qui est plus dur la peinture ou l’architecture L’architecte. Le plus dur je vous l’assure oui c’est l’architecture Madame Lucienne. Ah mon pauvre ami, si au moins vous aviez fait de la peinture, nous n’en serions pas là. Vous faites de l’architecture, mais vous n’avez pas le moindre bout de diplôme, pas la moindre commande, et en plus j’ai le regret de vous dire que vous n’avez guère de goût… L’architecte. Je n’ai pas de goût ? Je ne vais pas m’abaisser jusqu’à vous faire entendre les finesses de l’architecture moderne et la beauté cachée du béton armé. Ce n’est pas à vous que j’exposerai mes cinq principes d’architecture, je garde ma salive pour ceux qui savent et qui savourent le savoir et qui sont prêts à payer pour le fumet de cette science. Lucienne, vous ne comprenez rien, mais absolument rien à l’architecture. Vous ne comprenez pas que je suis venu ici à Alger, dans notre colonie inhospitalière, je suis venu pour montrer au monde entier ce que vaut l’architecture française, montrer que c’est par le bâtiment et l’urbanisme, que c’est par le béton armé qu’on changera le monde et qu’on trouvera la paix, l’harmonie, et ce ne sont pas vos petites mesquineries qui vont m’arrêter. Ah, je n’ai pas de goût ! Peut-être, mais j’ai des lunettes… Madame Lucienne. Oui, je vois. L’architecte. Et moi ce que je vois, avec mes lunettes, c’est clair dans vos yeux, je vois clair dans votre jeu, Lucienne… Madame Lucienne. Mais qu’allez-vous imaginer, mon cher ami… L’architecte. Oui, je comprends tout… Vous faites tout… pour m’empêcher… de vous raconter mon histoire avec La Castelbajoue ! Cela ne vous intéresse pas du tout. Madame Lucienne. Mais oui, oui. Faites, faites. C’est passionnant. Alors comment va ce cher La Castelbajoue ? L’architecte. Non, non, non… Madame Lucienne. Oui s’il vous plait, racontez ! Je suis toute ouïe ! L’architecte. Non, non, non, non, non, non, non. Madame Lucienne. Faudra-t-il que je pleure, que je crie, que je vous supplie ? L’architecte. Un petit peu… Madame Lucienne. Je vous en supplie, mon ami… L’architecte. Oui ? Madame Lucienne. S’il vous plait, dites-moi tout… L’architecte. Vous voulez ? Madame Lucienne. Oui, s’il vous plait Le violoncelliste. Atchoum L’architecte. Qu’est-ce que c’est ? Le violoncelliste. Quoi ? L’architecte. J’ai entendu éternuer. Madame Lucienne. Atchoum… Ah c’est moi… J’ai dû attraper un rhume. Le climat des colonies ne me va pas. Racontez-moi cette histoire… Le violoncelliste. Atchoum ! L’architecte. Ça vient de l’armoire ! Madame Lucienne. De l’armoire ? quelle armoire ? Ah, l’armoire ! Le chat ! Ça me revient, c’est cet horrible chat, je ne peux plus le voir, je l’ai mis dans le placard, laissez-l’y , ou laissez-le-z-y, je ne sais pas quoi dire… L’architecte. Un chat ? mais de quel chat parlez-vous ? Le violoncelliste. Atchoum ! Madame Lucienne. Un chat ! Quel chat ? Mais c’est mon chat, j’ai bien le droit. C’est mon petit chat, vous savez pendant que vous étiez à courir Alger derrière vos lunettes, j’ai acheté ce chat… Mais en rentrant je me suis aperçue qu’il avait une allergie très contagieuse, une chat… une chatt… une chatsmophilie. C’est pourquoi je l’ai enfermé dans le placard, en attendant que les services vétérinaires viennent le chercher. Je voulais vous faire plaisir, avec mon petit chat. Et vous tout ce que vous trouvez à faire, c’est de me soupçonner.
Air de l’armoire (trio)L’architecte. Vous voulez me faire avaler des sornettes Madame Lucienne. Je vous prie de ne pas toucher cette armoire Le violoncelliste. Miaou miaou miaou L’architecte. Laissez-moi ouvrir cette armoire Madame Lucienne. Non, non, non, non, non, non, non Le violoncelliste. Miaou miaou miaou L’architecte. Je suis votre époux Madame Lucienne. Cette armoire est ma propriété Fin du premier acte |
ACTE IILe cabinet du psychanalyste. Une chaise, une paillasse. Le Psy d’Alger (aria)1. Je suis le psy dada Toutes mes patientes le disent 2. La déontologie 3. Au ciel de l’Algérie 4. J’attends Madame Lucienne (Madame Lucienne entre en trombe, essoufflée.) Madame Lucienne. Docteur, je suis en retard, je suis… Je suis sans souffle, je suis sans vie… Ah ! (Elle s’effondre.) Le Psychanalyste. Madame Lucienne… Revenez à vous… Elle est inanimée. Je crois que je vais être contraint de pratiquer une respiration artificielle. (Il l’embrasse, elle l’enlace.) Madame Lucienne. Ah, continuez, docteur. Ça me fait du bien.Le Psychanalyste. Détendez-vous. Ouvrez ce chakra, là. Il est tout replié. Pensez à une fleur au printemps. Au départ ce n’est qu’un petit bourgeon tout dur, et puis il pousse vers l’extérieur, il grandit et la fleur s’épanouit… Madame Lucienne. Oh, docteur… Le Psychanalyste. Là, il y a encore des tensions, là… Madame Lucienne. Oh, docteur… Le Psychanalyste. Détendez–vous, Madame Lucienne. Madame Lucienne. Oui… Le Psychanalyste. Mais détendez-vous, enfin ! Madame Lucienne. Oh, docteur, embrassez-moi encore, c’est ça qui me détend le chakra. Le Psychanalyste. Lucienne, vous êtes en retard, et j’ai un client qui va arriver d’un instant à l’autre… Madame Lucienne. Docteur… La sexologie (duo) Madame Lucienne. Ouvrez-moi le chakraLe Psychanalyste. J’ai un patient qui arrive Madame Lucienne. Avec la bouche avec les doigts Le Psychanalyste. Vous me chauffez Lucienne exquise Les deux . Pour être heureux au lit La sexologie la sexologieLe Psychanalyste. Je transformerai Madame Lucienne. Ah Le Psychanalyste. À l’origine des blocages Madame Lucienne. Ah Le Psychanalyste. L’âme n’aime pas qu’on la blesse… (On sonne.) Le Psychanalyste. Il arrive ! Madame Lucienne. Oh non ! Gardez-moi, docteur, vous ne pouvez pas me laisser dans cet état ! Le Psychanalyste. Mais, Lucienne, j’ai un patient qui m’attend, un patient qui souffre ! Madame Lucienne. Docteur, je vais devenir folle ! je suis complètement… Mon chakra est complètement ouvert. Vous ne pouvez pas me laisser dans cet état. Je ne réponds plus de moi. Vous n’imaginez pas ce qui peut arriver dans la rue… Le Psychanalyste. Lucienne… Un instant… Laissez-moi réfléchir. Bon, mettez-vous à côté et surtout ne faites pas de bruit, c’est extrêmement sonore, ces cloisons, c’est de la paille ! Madame Lucienne. D’accord, docteur… Le Psychanalyste. Et laissez-moi me concentrer, c’est un patient très bizarre… Madame Lucienne. Oui, oui, merci, docteur. (Elle sort.) Air du PsychanalysteLe Psychanalyste. La recherche de la joie (Le Psychanalyste fait entrer le Violoncelliste qui se dirige sur le divan.) Le Violoncelliste. Bonjour, docteur. Hum… Tout à l’heure, en venant chez nous… enfin en venant chez vous, je lisais le journal, je tombe sur une nouvelle : Tortue condamnée. Tortue condamnée. Ça m’a attiré, je me suis demandé Qu’est-ce qu’elle a bien pu faire, la tortue ? Si on commence à condamner les tortues… Pour condamner une tortue, il faut avoir une raison solide, sinon ce... Par exemple, une tortue traverse une voie ferrée, un train arrive à grande vitesse, il glisse sur la carapace de la tortue et va s’écraser dans le décor. Je dis : Par exemple ! Par miracle, tout le monde s’en sort, passager, conducteur et la tortue elle-même. Voilà. Mais il y a beaucoup de frais : le train abîmé, le champ dévasté, une maison rasée, des voyageurs choqués, sans compter les dommages et intérêts pour les affaires gâchées. Tout le monde se retourne contre la tortue. D’où vient-elle ? Qui est-elle ? A qui appartient-elle ? Pas à moi. C’est un coup des fells. Personne ne veut reconnaître sa propriété. Elle vient bien de quelque part, on mène une enquête, elle ne peut pas venir de bien loin. Mais on fait chou blanc. C’est pas des balances dans la région. Et finalement, la tortue se retrouve toute seule au banc des accusés. Une tortue sans compte en banque, une petite tortue muette, miraculée… Le Psychanalyste. Mmmmh. Le Violoncelliste. Quoi, mmmmh. Miraculée, c’est ça qui vous fait réagir ? Miraculé… Miraculé de ta mère ! Le Psychanalyste. Hum, hum. Hum, hum, hum (duo)
Le Violoncelliste. Quand je vous pose des questionsQue je suis au fond du désespoir Le Psychanalyste. Mmmmh hum hum humLe Violoncelliste. Un jour j’étais à moitié mort Le Psychanalyste. Mmmmh hum hum humLe Violoncelliste. Dans un frigidaire Le Psychanalyste. Mmmmh hum hum humLe Violoncelliste. Pendant toute la séance Au moment où vous faites HumLe Psychanalyste. Mmmmh hum hum humLe Violoncelliste. Etes-vous un homme ou un hum ? Vous savez, cet article sur la tortue. Je regarde à nouveau l’article. Ce n’était pas Tortue condamnée, mais Tonte, tonte condamnée. Est-ce que c’est une histoire de femme qui a été tondue par des gens qui ensuite ont été condamnés ? Ou un truc de tonte de moutons, des tondeurs en furie ou je ne sais quoi… Je ne me souviens plus… Le Psychanalyste. Hum. Le Violoncelliste. Ça me rappelle ce jour où j’avais des hallucinations. Je devais rentrer me coucher, je voulais rentrer me coucher, et je n’y arrivais pas. J’entendais un bruit, je voyais quelque chose. Il fallait que je m’arrête, il fallait que j’interprète. Je voulais aller me coucher, je connaissais le chemin, mais avant il fallait (il fallait, je ne sais pas pourquoi il fallait) il fallait que je m’arrête, que j’écoute un bruit, que j’attende quelque chose. Tout devenait étrange, intéressant, curieux, inquiétant, menaçant, tout me disait quelque chose. Alors ça me demandait un effort énorme d’avancer. Et puis quand je croisais les gars, j’avais l’impression qu’ils parlaient de moi, ou sur moi ou pour moi. Le Psychanalyste. Hum. Le Violoncelliste. Comme une tortue. J’étais lent comme une tortue. Mais une tortue, le plus souvent c’est détendu. Moi c’est dans l’angoisse, je deviens une tortue, je m’enferme dans ma lenteur, j’avance très lentement, dans mon propre rythme, où personne ne va me chercher. On me laisse tranquille. Le Psychanalyste. Hum. Le Violoncelliste. On était en Kabylie, dans la montagne, pour pacifier comme on dit. On marchait, avec notre barda énorme. J’étais fier, j’étais fort. J’avais l’impression que mon être grandissait à l’intérieur de moi. Comme de l’air qui viendrait gonfler un ballon. Ça me remplissait entièrement. J’avais des armes, j’avais des copains, j’avais une mission. On avançait, on avait chaud. Ça ne traînait pas. Air des combattants (duo)L’Âme et le Violoncelliste. Dans ce vieux djebel Et je vais mourir(Pendant la chanson, l’Âme passe. Le Psychanalyste s’approche du Pianiste et commence à lui parler, sans se soucier des interventions improvisées, grommelées du Violoncelliste.) Le Violoncelliste. J’ai cru entendre une voix, une voix de femme… Le Psychanalyste. Je ne sais pas ce que vous en pensez, mais ces… qui monologuent pendant une demi-heure, c’est dur, c’est insupportable parfois. Ces plaintes, cette méchanceté qu’il a, cette lâcheté, cette complaisance… Ah non, j’ai rien fait, je suis malade... Ce type-là, je ne l’aime pas ! Il se fait réformer du service, je me demande si ce n’est pas un simulateur. Et c’est d’autres connards qui vont crever pour qu’il couche avec les bonnes épouses d’Alger. Je connais toute sa vie. Pourquoi m’envoie-t-il ses mauvaises vibrations ? Vous allez dire : « Je suis payé pour l’écouter. » C’est un peu facile. « Et en liquide. » Non, non, ça, je n’accepte pas. Je viens regarder dans votre piano, moi, pour voir combien vous touchez, et comment ? Bon. Vous allez dire : « Au théâtre, il y a une arnaque, parce que celui qui écoute, c’est lui qui paye. » C’est vrai. C’est bizarre. Moi, j’écoute, c’est moi qui reçoit l’argent. Il déclame, j’encaisse. Mais c’est une assez mauvaise pièce. Parce qu’il y a pas mal de gens qui vont au théâtre gratuitement, avec des invitations. Mais c’est très rare, très très rare, qu’ils se fassent payer pour venir. Ou alors c’est une très très très mauvaise pièce, on paie les spectateurs. Un vieux divan, même pas un divan, une paillasse, un décor à trois balles, le texte est mauvais, même dégueulasse, c’est statique, interminable, ça n’avance pas, il n’y a pas de suspense. Juste du ressassement. Les acteurs, c’est même pas des acteurs, ils jouent comme ils peuvent…. Moi, ce que je voudrais lui dire, c’est qu’il faut jouir. Jooooooouuuuuuuuuuuiiiiiiiiiiiiiiiiiiirrrrrrrrr. Enconner, piner, enc… Lui, il se plaint, oh, il se plaint, il se plaint, il se met des plaies avec des plaintes, il se cloue, il se plie, il se ploie. Moi, je veux jouir, je suis une pile à jouir. Allez, pop pop pop… Trou du cul, champignon, tabatière (aria) Dans l’atelier d’un peintre Un Cupidon en plâtre Son grand arc à l’antique D’un consciencieux modèle Sa chatoyante robe Son troublant tatouage L’habitant de ces lieux Un visage de marbre Son Cupidon de plâtre C’est du grand art ! Qu’est-ce qu’il a encore, celui-là… (Pendant la chanson, le Violoncelliste a continué à grommeler des mots incompréhensibles.) Le Violoncelliste. Alors j’ai commencé à rouspéter, à contester, à me rebeller. L’adjudant m’a pris dans un coin et il m’a dit : « Si tu te mets à pleurnicher comme une gonzesse, tu vas pourrir le commando. Alors, si c’est pas les fells qui t’abattent, c’est moi qui vais t’en mettre une, tu comprends ? Six pour cent de pertes humaines autorisées à l’entraînement, ça te dit quelque chose. Il m’a mis devant les yeux la photo d’un pauvre troufion décapité, avec la tête à côté de son corps et les couilles dans la bouche. Et il m’a laissé là, à réfléchir. Et je me suis renfermé en moi, comme une tortue, lentement, très lentement. Je ne savais plus où aller. Je voulais dormir, vous voyez, mais je ne suis pas arrivé jusqu’à mon lit. Il « fallait » que j’aille ouvrir mon sac : je regardais dedans, j’écoutais des voix qui me disaient quoi faire, qui me parlaient. Après, je marchais lentement, dans le camp, comme un fantôme. Et finalement ils ont trouvé que j’étais un peu hagard, et ils m’ont envoyé à l’hôpital… Le Psychanalyste. Low pital Le Violoncelliste. Comment ? Le Psychanalyste. How pital ou low pital ? L’os pital : le chienchien à sa mémère veut ronger son os pital, sa pitance, sa pitosse. Vous n’aviez pas le cran de dégainer, alors vous êtes parti vous nicher dans l’amniotique hypnotique os pital. Pital, pital, pital ? Hôpital (duo) 1. Le Psychanalyste. Pital oh oh pital Le Violoncelliste. C’est comme un gros piton Le Psychanalyste. Très bien Le Violoncelliste. C’est comme un gros bi bi Un gros bidon Le Psychanalyste. Très très bien Le Violoncelliste. Pital ça me fait penser au mot bi Le Psychanalyste. Bon ça va Les deuxInsondable langage Les restes flottants de notre âme d’enfant2. Le Psychanalyste. Pital oh oh pital Le Violoncelliste. C’est l’appétit du mal Le Psychanalyste. Très bien Le Violoncelliste. C’est le supplice du pal Le Psychanalyste. Très très bien Le Violoncelliste. Pital ça me fait penser au mot pi Le Psychanalyste. Bon ça va Les deuxInsondable langage 3. Le Psychanalyste. Pital oh oh pital Le Violoncelliste. Un choc occipital Le Psychanalyste. Très bien Le Violoncelliste. Une pute qui pisse des pétales Le Psychanalyste. Très très bien Le Violoncelliste. Pital ça me fait penser au mot ca Le Psychanalyste. Bon ça va Les deuxInsondable langage Fin de l’acte II |
Acte III(L’armoire.) L’architecte. Lucienne, c’est vous qui m’inspirez. Avec votre sensibilité à fleur de peau, avec votre intuition quasi extra-lucide, vous avez entendu ce qu’une oreille humaine ne peut pas percevoir. Vous avez entendu tout ce que ces connards de Français n’entendent pas, parce qu’ils sont sourds et aveugles, et prétentieux, et bas, et égoïstes. Vous avez entendu le grondement de la rage, l’âme de la casbah qui crie sourdement. Madame Lucienne. Vous l’entendez aussi, mon ami ? Il grandit chaque jour… L’architecte. Non, je ne l’entends pas, mais je vous entends, vous, Lucienne. Le cri de la Casbah (duo) L’architecte. Pendant que les braves gens Madame Lucienne. Pour eux la vie est belle L’architecte. Pour eux l’Algérie est Madame Lucienne. Pour eux c’est le pays Les deux. Ils ont belle faconde Elle crie la Casbah Madame Lucienne. Parfois, on dirait que vous prenez le parti de ces enragés ! L’architecte. Ecoutez, Lucienne, vous sentez les choses, mais vous n’entendez rien à l’architecture et que pschitt à la politique… Madame Lucienne. Que pschitt ? L’architecte. Oui, je suis révolté par ces immeubles atroces que ces connards de Français ont faits sur le front de mer et qui barrent la vue à tous ceux qui sont derrière. Madame Lucienne. Que pschitt ? Dites… dites tout de suite que je suis un navet. L’architecte. Lucienne, laissez—moi vous expliquer mon projet de rénovation urbanistique. L’architecture sauvera le monde, l’architecture sauvera Alger ! La Castelbajoue en était comme deux ronds de flanc. Madame Lucienne. Ah ben non, je n’entends que pschitt. L’architecte. Lucienne, je me suis mal exprimé. Madame Lucienne. Mal exprimé ? Mais je vous ai parfaitement compris. Vous me prenez pour une idiote qui fait pschitt et vous vous vous servez de moi. L’architecte. Mais non. Madame Lucienne. Mais oui, vous testez vos arguments sur une pauvre femme qui fait pschitt avant de les servir à tous vos politiciens corrompus qui, eux, sans doute, font pschoutt. L’architecte. Mais non. Madame Lucienne. Oh, vous étiez plus gentil quand vous faisiez de la peinture. L’architecte. Peut-être, mais maintenant je fais de l’architecture.
Je fais de l’architecture (duo) L’architecte. Je fais de l’architecture. Madame Lucienne. Avant vous faisiez de la peinture. L’architecte. De l’archi achi archi archi architectureMadame Lucienne. Qu’est-ce qui est plus dur la peinture ou l’architecture L’architecte. Le plus dur je vous l’assure oui c’est l’architecture L’architecte. Bon, écoutez-moi à la fin. Madame Lucienne. Oui, mais j’ai besoin de méditer, de rentrer en harmonie… L’architecte. Méditez, méditez, ma chère épouse, et savourez tout le suc de cette révolution hyperbolique de l’architecture française. (Madame Lucienne se met en position de méditation et répète son mantra pendant que l’Architecte expose son idée.) Madame Lucienne. Nam Myoho Renge Kyo L’architecte. C’est très simple. Il y a plusieurs problèmes à Alger. D’abord la circulation dans la ville, intra muros, c’est un vrai capharnaüm, avec toutes ces ruelles, ces culs-de-sac, et ces piétons qui se croient chez eux, et qui sont chez eux en plus. Il y a le problème de ce front de mer, qui est une abomination humaine et qu’il faut raser. Il faut que tout le monde, et même la Casbah, ait l’accès à la mer, à la lumière, à l’espace. Alors tous les problèmes seront résolus, tout le monde sera heureux et pacifié… Madame Lucienne. Parlez moins fort, mon ami, j’essaie de me concentrer. Nam Myoho Renge Kyo. L’architecte. Et c’est là que j’ai trouvé la solution géniale qui a estomaqué La Castelbajoue et que je vais soumettre tout à l’heure à l’adjoint de l’adjoint de l’adjoint du ministre. Ecoutez… (On frappe à la porte.)
Toc toc toc (trio) Le Violoncelliste. Toc toc toc L’architecte Qui frappe à la porte Madame Lucienne. Nam Myoho Renge Kyo (L’architecte ouvre au Violoncelliste, grossièrement déguisé en femme.) Le Violoncelliste. Bonjour, je suis la kinésithérapeute de Madame Lucienne. L’architecte Lucienne, c’est votre kiné qui est là. J’ignorais que vous eussiez une kiné. Madame Lucienne. Une kiné ? Mais je ne connais aucune kiné ! L’architecte Alors au revoir, Madame, et au plaisir. Alors, je reprends mon idée… Le Violoncelliste. Mais je suis la kiné de Madame Lucienne… L’architecte Quelle kiné ? quelle kiné ? Puisqu’elle vous dit qu’elle connais aucune kiné ! C’est une erreur ! Ce n’est pas grave. Au revoir. Alors, je reprends… Le Violoncelliste. Lucienne, je suis votre kiné ! Répondez-moi, écoutez-moi, regardez-moi. Madame Lucienne. Mais oui, ma kiné ! Où avais-je la tête ? Ma séance de kiné ! Entrez, entrez vite ! (Au violoncelliste.) Grand fou ! grande folle ! L’architecte Et mon projet ? Madame Lucienne. Quel projet ? L’architecte Que vous êtes en train d’écouter… Madame Lucienne. Ah, allez-y, mais parlez doucement. Le Violoncelliste. Oui, parlez doucement. Détendez-vous, madame. Madame Lucienne. Oui, encore, oui, ça fait du bien… L’architecte Bon, alors, euh… Je disais donc… Ou j’allais dire, je ne sais plus… J’ai donc rendez-vous tout à l’heure, sur-le-champ pour ainsi dire, rendez-vous avec l’adjoint de l’adjoint de l’adjoint du ministre, l’ami de La Castelbajoue. Et qu’est-ce que je vais lui dire ? Le Violoncelliste. Tournez-vous de ce côté… Madame Lucienne. De quel côté ? Aah, mais que faites-vous… L’architecte Peut-être vaudrait-il mieux que je me retirasse ? Le Violoncelliste. Non, non. Madame Lucienne. Vous entendez ? L’architecte Quoi ? Madame Lucienne. Là, le grondement. Ça gronde, ça gronde. Ça m’angoisse. Le Violoncelliste. Calmez-vous, laissez-vous aller… L’architecte Taisez-vous, j’écoute. Madame Lucienne. Ça gronde. L’architecte Chut ! Madame Lucienne. Ça gronde ! plus je suis détendue, et plus j’entends les grondements. Ça me fait peur. J’ai peur de mourir. Je voudrais devenir quelqu’un avant de mourir. L’architecte Mais vous êtes quelqu’un, Lucienne, vous êtes ma Lucienne. Le Violoncelliste. Moins fort. Détendez-vous. Madame Lucienne. Ils veulent tous nous tuer. Le Violoncelliste. Mais non. Air du massif d’hortensias (aria +chœur) Madame Lucienne. Ah je voulais devenir une reinePleine d’amour et de tendresse Ah que sont-ils devenus Ah je croyais qu’un prince L’architecte et le Violoncelliste Ah que sont-ils devenus L’architecte Bon. Comme je disais, vous allez voir, c’est une idée géniale. La Castelbajoue en était comme deux ronds de flanc. Madame Lucienne. Moins fort, mon ami, moins fort. Pensez à mes migraines. L’architecte. Oui, alors écoutez. Je fais un immense building sur toutes les collines d’Alger. Je dégage la vue de la Casbah, et tous les Européens viennent habiter là-haut, dans ce gigantesque building de plusieurs kilomètres de long, avec tous les appartements qui donnent sur la mer. Et les indigènes, vous allez me demander ? Dans la Casbah, avec vue sur la mer, assainissement des habitations. Et les voitures, vous allez me demander… Et les routes, et la circulation ? Voilà l’astuce : je fais passer la route au-dessus du building, avec des toboggans qui permettent de circuler entre la route et les toits terrasses aménagés en parking. C’est pas beau, ça ? Le tout en béton peint en blanc pour s’intéger à l’architecture vernaculaire… Génial. On verra ça depuis Marseille. Alger, la ville blanche ! Madame Lucienne. Moins fort. Le violoncelliste. Oui, un peu moins fort, s’il vous plait. L’architecte. Moins fort ? En fait, vous vous foutez royalement de ce que je peux faire, de ce que je peux dire, de ce que je peux inventer. Dans un instant, j’ai rendez-vous avec l’adjoint de l’adjoint de l’adjoint du ministre. Un rendez-vous essentiel pour ma carrière. Un rendez-vous fondamental aussi pour la Paix et l’Architecture mondiale. J’essaie de préparer, de trouver les mots les meilleurs, ceux qui vont insuffler l’Esprit sacré à ces fonctionnaires butors. Et vous, femme indigne, au lieu de soutenir votre mari dans cette épreuve incoercible, vous vous souciez de vos petits muscles endoloris. Pauvre petite bestiole ! J’en ai marre ! La barbe ! La barbe ! Au revoir (trio) L’architecte. Puisque c’est comme ça je m’en vais Madame Lucienne. Eh bien partez L’architecte. Ces femmes se moquent de moi Le violoncelliste. Oui laissez-la L’architecte. Oui je m’en vais Madame Lucienne. C’est ça c’est ça Le violoncelliste. Au revoir (ter) L’architecte. Adieu (ter) Madame Lucienne. Mon cher ami L’architecte. Ah cessez ce nombrilisme amer Madame Lucienne. Quoi vous avez le toupet L’architecte. Pardon pardon chère amie Madame Lucienne. Ah je ne veux plus vous voir Le violoncelliste. Détendez-vous (ter) L’architecte. Et puis la barbe (ter) (L’architecte sort.) Le violoncelliste. Enfin seuls ! Madame Lucienne. Oui, mais je suis énervée… Le violoncelliste. Il te fait du mal, cet homme. Madame Lucienne. Oui. Le violoncelliste. Alors quitte-le ! Madame Lucienne. Non, il me tuerait. Le violoncelliste. Tu as peur de lui, tu ne m’aimes pas assez pour ne plus avoir peur. Madame Lucienne. Mais oui, je t’aime, mon chou, je braverais la mort pour toi. Le violoncelliste. On en a déjà parlé, ma poule, comment vivre notre amour quand la société nous l’interdit. Madame Lucienne. Oui, que c’est cruel ! Le violoncelliste. Toi, tu es Juliette, moi je suis Roméo. Madame Lucienne. Oh oui, mon roudoudou Roméo, embrasse-moi. Le violoncelliste. Mmmmm. Il faut nous débarrasser de cet homme… Madame Lucienne. Mais non, ce n’est pas possible. C’est mon mari quand même. Le violoncelliste. Alors mourons ensemble, il faut nous résoudre à mourir. Madame Lucienne. Oui, mourons ensemble, à petit feu, dans la passion. Le violoncelliste. Ah, amour, embrasement des sens, brûlure insupportable, apaise le feu qui tord… Madame Lucienne. Et toi, éteins l’incendie qui me ravage, avec ta lance à haut débit… Le violoncelliste. Ah, soleil d’Alger, tu nous consumes de désir et de folie, tu nous assoiffes, tu nous dévores… Madame Lucienne. Ah ! De l’eau, de l’eau ! Oh non, du vin ! Du vin, Roméo, du vin ! Le violoncelliste. Oui, Juliette, je vais te chercher du vin, je vais chercher le poison qui nous réunira dans la petite mort et dans la grande vie… Madame Lucienne. Oh, Roméo, fais vite. Le violoncelliste. Ah ! J’attendais ce moment. Je le savais : comme moi, Lucienne n’a pas d’attache sur cette terre. Le lien d’amour qui nous unit est plus fort que la poussière sous nos pas, plus tangible que l’air chaud qui nous étouffe. Nous allons mourir ensemble et échapper à la méchanceté des hommes. Nous n’allons pas voir la suite de la tragédie. Nous allons mourir, et nous allons renaître. Nous allons renaître sur une autre planète, plus évoluée, pure, splendide. Nos cœurs, clairs comme le cristal, nos yeux régénérés goûteront aux émotions premières, à l’extase, à la guérison. Air du poison (aria) Voilà le poison qui enlève (Il verse le poison dans le vin.) Madame Lucienne. Roméo, qu’est-ce que tu dis ? Le violoncelliste. J’arrive, Juliette. (Il lui tend la coupe.) Aux amants de Vérone ! Madame Lucienne. Et aux amants d’Alger ! Le violoncelliste. Oui, l’amour triomphe toujours ! Madame Lucienne. À notre amour ! Ah ! Comme c’est amer ! Ce vin d’Alger, d’habitude si enivrant, si fort et si fruité, comme il est amer tout à coup ! Le violoncelliste. Fais goûter… Pouah ! C’est amer. Ah, c’est l’arsenic, ça met un goût d’amertume… Ah… Madame Lucienne. Arsenic ? Quel ar… quel ar… arsenic… Le violoncelliste. Ben oui, Lucienne. Tu disais : mou… mou… mourons ensemble… Madame Lucienne. Mais, je jou… je je… je jouais… je n’ai jamais dit ça ! Le violoncelliste. Mais oui, tu l’as dit. Tu l’as dit. Tu disais… Madame Lucienne. Tu as mis vraiment de l’arsenic dans le vin… Le violoncelliste. Mais tu disais que c’est le seul moyen de vivre notre amour… Madame Lucienne. Ah, horreur ! Le poison rentre dans tout mon corps… Ah horreur… Le violoncelliste. Mais tu m’avais dit… Madame Lucienne. Mais c’est un fou… Mais c’est un fou… Je suis tombé sur un assassin, un fou…. Il m’a empoisonnée… Ah horreur ! Air de l’Horreur (trio) Madame Lucienne. HorreurLe violoncelliste. Lucienne c’est par amour pour toiMadame Lucienne. Assassin assassin Le violoncelliste. Par amour pour toiMadame Lucienne. Il m’a assassinée Le violoncelliste. Lucienne LucienneMadame Lucienne. AhLes deuxAh je meursLe violoncelliste. LucienneMadame Lucienne. Ne me parle pasLe violoncelliste. C’est par amour pour toiMadame Lucienne. Il me tue et il dit m’aimer Le violoncelliste. Par amour pour toi Madame Lucienne. Laisse-moi puisque tu m’as tuée Le violoncelliste. LucienneMadame Lucienne. SalaudLe violoncelliste. Je t’aime Les deux Ah je meursLe violoncelliste. Lucienne c’est par amour pour toiMadame Lucienne. Assassin assassin L’architecte. J’ai rencontré l’adjoint Le violoncelliste. Par amour pour toiL’architecte. De l’adjoint de l’adjointMadame Lucienne. Il m’a assassinée L’architecte. De l’adjoint du ministreLe violoncelliste. Lucienne LucienneMadame Lucienne. AhL’architecte. Ah quelle horreurLe violoncelliste et Madame LucienneAh je meursFIN |